Paris: quand la mode devient narration avec LGN, KidSuper et Sean Suen - FashionNetwork Maroc
Par ces temps de crise, où plusieurs jeunes marques, et moins jeunes, ont dû renoncer à un défilé coûteux, de nouveaux terrains d’expression se font jour à travers des formats de présentations insolites, mettant au centre le storytelling, véhicule toujours plus important pour promouvoir une collection. Comme l’ont démontré plusieurs griffes sur les podiums masculins, samedi, à Paris. A l’instar du film d’animation proposé par LGN Louis-Gabriel Nouchi, de la fable théâtrale de KidSuper ou de la poésie susurrée de Sean Suen.
LGN Louis-Gabriel Nouchi a pris tout le monde de court, organisant en lieu et place du traditionnel défilé une projection dans la petite salle de cinéma du Silencio, club select d’avant-garde de la rue Montmartre, fondé et pensé par le mythique réalisateur David Lynch. "J’avais l’habitude de venir ici très jeune. C’est un vrai fashion cinéma", glisse le créateur, en accueillant ses invités avec pop-corn et champagne dans les salons voûtés et rétrofuturistes du night-club.
Après une année 2024 intense, avec entre autres la création de tenues de la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques, Louis-Gabriel Nouchi aspirait à une présentation plus intime et moins stressante qu’un défilé. Fan de mangas et passionné par le dessin, il a toujours rêvé de réaliser un film d’animation. Une fois sa collection dessinée, il se lance dans le bain en contactant le studio de production Wizz.
Résultat: un court-métrage d’anticipation nous plongeant en deux minutes et demie dans l’univers de la marque en suivant des robots humanoïdes, qui éprouvent des sentiments… à coup de grosses gouttes de sueur sur leurs corps métalliques. Du tailoring pour hommes d’affaires à des mises plus sensuelles et sexy, toute la versatilité de LGN se trouve dans ce concentré d’images.
Pour cette collection consacrée au printemps-été 2026, le styliste part comme toujours d’un livre. Il s’agit cette fois de "Blade Runner" de Philip K. Dick, dont Ridley Scott a fait un film culte, et Louis-Gabriel Nouchi ce film d’animation intitulé "The Replicant". "Après ma dernière collection inspirée de 1984 de George Orwell, je reste dans la dystopie, interrogeant nos liens entre la réalité, les réseaux sociaux, l’IA, etc. ", nous explique-t-il.
Le designer se focalise sur son maxi manteau emblématique à la structure marquée et aux épaules exagérées. Il s’en sert de base pour y couper "de manière presque mécanique" toutes les autres pièces de la collection, telles vestes, chemises, t-shirts, pantalons, micro-shorts. Au total 30 looks, réduits à quelques silhouettes clés dans le film, déclinés dans les couleurs de la marque, noir, blanc et beige, tout en jouant sur les superpositions de tissus transparents, de textures tactiles (latex, nylon, coton sec, cuir peint à la main, voiles noirs) et de volumes.
Pour rappel, à Milan, le designer Luca Magliano a opté pour le même type de démarche en réalisant le court-métrage "Maglianic" qu'il a dévoilé lors d'une projection dans une salle de cinéma.
Changement de registre chez KidSuper. Le styliste Colm Dillane a organisé au musée des Arts décoratifs l’un de ces shows spectacles à grand impact, dont il a le secret, s’inspirant librement de la fable du "Petit Prince" d'Antoine de Saint-Exupéry, dont il redessine à sa manière la reconnaissable silhouette sur certains de ses modèles, comme dans ce blouson en cuir, où le blondinet flotte au milieu de la lune et des étoiles. Un personnage qui a le vent en poupe cette saison, puisqu'il a inspiré aussi 3.Paradis.
Le spectacle, également décliné dans un livre offert aux invités, s’intitule ‘The boy who jumped the moon" (le garçon qui sauta dans la lune). Une sorte de parabole de la trajectoire du designer, artiste peintre, musicien et producteur new-yorkais, parvenu à réalisé ses rêves d’enfants, transformant en une dizaine d’années son petit label de t-shirts sérigraphiés en une maison de mode reconnue, qui défile à Paris. Il ne manque aucun ingrédient. Pas même la référence à sa passion pour le football avec le joueur Mario Balotelli, qui joue les mannequins en clôture du défilé.
A l’entrée du musée trône la Mercedes-Benz CLA customisée par Colm Dillane, troisième talent invité par le constructeur automobile allemand dans le cadre de son programme collaboratif "Class of Creators", qui a équipé la voiture, recouverte d’un patchwork de bouts de métal, de gros ballons pour s'envoler et atteindre la lune. Le projet s'accompagne d’une capsule composée de vestes, chemises, pantalons, trench, chapeaux, sacs et valise, dévoilée durant le show.
Sur la scène, trois livres géants, dont les pages sont tournées au fur et à mesure du récit et d’où sortent les mannequins revêtus des créations de Colm Dillane. Costumes, blousons, chemisettes, pantalons amples… Chaque habit ressemble à lui seul à une petite œuvre d’art, décoré des dessins et gouaches à la fois poétiques et ludiques du styliste américain, toujours avec sa touche de naïveté enfantine.
Parfois les vêtements sont juste ornés d’une écriture gribouillée par des dessins de fils entremêlés. Un bermuda est même confectionné dans les pages d’un cahier d’écolier. Ne manque pas non plus la tenue du peintre, en complet et tablier pleine de tâches de peinture multicolore.
C’est une mode lente que propose Ziggy Chen, en opposition à la fast fashion, avec des vêtements qui semblent usés, comme patinés par le temps, réalisés dans des fibres naturelles, en totale harmonie avec la nature. La palette s’inspire de la terre avec des tonalités d’abord brunes et cendrées, puis plus claires comme le sable, presque fanées ou déteintes par le soleil.
Pour créer sa collection de l’été prochain, le designer chinois Cheng Xiang, qui a fondé sa maison en 2012, s’est inspiré de la pluie légère et persistante du Jiangnan, région proche de Shanghai d’où il est originaire. Les vêtements sont notamment soumis à des traitements et procédés de teinture particuliers, rappelant l’effet des murs suintant d’eau. Certains imprimés dessinent aussi de mystérieuses cartes géographiques.
Le vestiaire est d’une grande légèreté, composé de pièces se superposant en multi-strates impalpables, avec des tricots, des gilets se déboutonnant aux épaules, des vestes poids plume, des pantalons fluides, des maxi sarongs, et même des tabliers, tous taillés dans du chanvre, du lin, des cotons et des soies froissées.
Un système de coulisses et de rubans permet de resserrer les amples pantalons à la taille et aux chevilles ou de les arrimer à un tricot ou t-shirt, tandis que des lacets aident à froncer et remonter les manches. Des sacs en toile de jute se portent avec une bandoulière en corde. Les mannequins semblent flotter dans l’air chaud se fondant dans le paysage.
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