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Donna Trope talks about 5 photos from her Paris exhibition

Published 1 week ago7 minute read

Dans une interview accordée à Numéro, la photographe Donna Trope revient sur cinq de ses clichés emblématiques exposés à la galerie Carole Lambert à Paris. Connue pour ses images glamour et conceptuelles, elle partage son processus créatif et l’impact de ses œuvres sur la représentation de la féminité. Une exposition à découvrir jusqu’au 24 septembre 2025.

Photo d'injection par Donna Trope
Polaroid de Donna Trope sur le bronzage

Icône de l’objectif et exploratrice des esthétiques sensuelles, s’impose depuis les années 90 comme l’une des photographes les plus incisives de la mode et de la beauté. Originaire de cette artiste autodidacte a construit une imagerie reconnaissable entre mille : couleurs saturées, détails provocateurs et ironie assumée. Et, son style, aussi léché que sulfureux, interroge les injonctions de la féminité avec une audace quasi pop. Ainsi, Donna Trope n’illustre pas simplement la beauté — elle la déconstruit, la reconstruit, la pousse jusqu’à l’hyperréalité.

Non seulement publiée dans Vogue, i-D, Interview ou The Face, elle a également collaboré avec des maisons comme Givenchy, Dior ou plus récemment la marque Skims. Il faut dire qu’elle sait capter l’essence de dans toute sa complexité — à la fois muse, guerrière, et produit culturel.

En flirtant avec les codes du glamour hollywoodien, de la publicité et du fétichisme, Trope joue avec les limites du bon goût pour mieux les redéfinir. Rarement consensuelle, toujours impactante, son œuvre visuelle est un miroir tendu à l’industrie : une mise en scène de la beauté qui fascine autant qu’elle dérange. Chez Donna Trope, l’image n’est jamais neutre. Elle séduit, questionne et dérange — tout en brillant d’un éclat irrésistible.

Polaroid de Donna Trope
Polaroid de Donna Trope

À partir du 6 juin 2025, présente POLAROIDS, première exposition française dédiée aux instantanés inédits de Donna Trope. Révélant plus de 25 000 clichés réalisés en marge de ses shootings, l’artiste y livre une archive brute, intime et lumineuse.

Sélectionnés avec la commissaire Fany Dupêchez, ces polaroïds capturent l’essence d’une beauté libre et subversive, entre tension et vérité. Vingt ans après sa découverte dans Vogue, Carole Lambert célèbre une vision féminine affranchie et percutante. POLAROIDS est une immersion sensorielle et engagée dans l’univers visuel d’une artiste qui redéfinit les codes de l’image. À cette occasion, l’artiste a commenté cinq de ces Polaroids pour Numéro.

Veuillez noter : ceci était l’un de nos outils de travail avant . Chaque Polaroid que je prenais me rapprochait du résultat final. Comme je l’ai souvent dit, ce n’étaient pas les images définitives… mais plutôt les ratés, les ébauches, les solutions aux problèmes en cours. C’est ainsi que nous utilisions à l’époque. Cela faisait partie intégrante du processus. Un carnet de croquis, un brouillon… voilà ce qu’était un Polaroid.

Je photographiais avec , en utilisant le film Polaroid Type 55 en noir et blanc. J’ai toujours travaillé ainsi :me servaient à ajuster le rendu final, qui était, lui, en diapositive couleur. Je faisais donc mes essais en noir et blanc pour étudier la lumière, les ombres, la composition, le style— chaque détail comptait, et c’était Je vois le monde en noir et blanc, mais j’adore photographier en couleur. Voilà mon approche.

Chacun de ces Polaroids a un “jumeau” en couleur. La couleur était mon but ultime, mon Graal. Aujourd’hui, tout est différent — tout va très vite, chacun voit tout et a une opinion… La part de mystère a disparu. Le photographe est certes à l’origine, mais il lutte pour rester le maître. C’est devenu une démocratie… peu désirée. La douleur de la création s’est évaporée ; une image vaut une autre. La magie s’estompe, les illusions deviennent visibles.”

photo de La fille avec une feuille autour du visage et du cou Donna Trope

Une grande partie de mon travail touche à la beauté. Plutôt que de simplement photographier un beau mannequin et d’en faire une image flatteuse, j’ai pris l’habitude de suggérer un concept… un jeu d’idées dans lequel j’adore plonger, comme Alice dans son terrier.

Ici, je voulais parler de l’évolution des crèmes à base de plantes. En préparant l’image finale, j’ai posé le mannequin, Diana, au milieu d’une véritable serre : orchidées exotiques, longues herbes magnifiques. En général, ces plantes sont apportées par un décorateur et aucun budget n’est épargné. J’essaie toujours de garder le concept vivant, en incluant l’ingrédient actif de la crème utilisée. J’ai exploré toutes sortes d’idées, du thème SM avec le visage ficelé à l’ingestion d’orchidées…

Ce n’est qu’après avoir déterminé l’image finale que j’ai appliqué la crème, que j’ai fait couler sur le visage de Diana et sur les plantes pour appuyer le propos. Parfois, il faut une image très évidente pour illustrer un thème subtil. Ce cliché n’a jamais été publié : il date du tout début de mon processus rigoureux de Polaroids. L’image finale fut en couleur, réalisée pour L’Officiel en 2000 : une fille avec une orchidée en bouche et de la crème coulant sur le visage.”

photo de La fille avec la moitié du visage maquillée Donna Trope
Maquillage : Sharon Dowsett. Coiffure : Nicholas Jurnjak.

Nous avons pensé cette série comme une vision complète… avec très peu de retouche, aucun montage. Nous avons pris le temps pour la coiffure et le maquillage, pas sur le plateau. Je savais exactement la lumière que je voulais. Une seule prise, une seule page pour Allure Magazine, en 2002.

Cette photo demeure très proche de la version finale, seuls les cheveux et un peu de maquillage ont été modifiés. Le thème de cette image portait sur le Botox : non seulement pour lisser les rides ou ralentir le vieillissement, mais aussi pour contrôler les émotions. C’est un outil qui permet d’annuler les réactions : plus de sueurs, plus de rougissements… Il nous donne du pouvoir. On ne porte plus son cœur sur la main, on maîtrise le message. Les émotions deviennent encombrantes, surtout pour les femmes de pouvoir.

Sur la photo : une femme d’aujourd’hui. Le Botox nous permet d’être calmes, posées, inaccessibles… En noir et blanc, ce n’est pas évident, mais une moitié de son visage est rose, brute, avec des taches de rousseur, très “terre mère”, une larme coule : elle exprime l’émotion. L’autre moitié est dure, lisse, blanche, coiffée avec rigueur, avec un maquillage appuyé, liner noir, lèvres rouges. Des opposés. Ce que l’on ressent contre ce que l’on montre. Grâce au Botox, nul ne saura jamais ce que nous pensons vraiment… Merci Botox !

photo de Donna Trope Close up sur l'oeil avec le fil

Nous avions prévu pour Allure Magazine pendant la Fashion Week de Londres, en 2000. Un styliste de New York devait venir, j’avais réservé le studio… Mais lundi 9h, personne. À 10h, toujours pas là. À 11h, nous appelions tous les hôtels de Londres pour le retrouver. étaient là, mais nous n’avions ni instructions, ni accessoires, ni éditeur ! Même pas de brief.

À midi, furieux, nous avons décidé de ne pas annuler. On a improvisé : fil à coudre en guise de fard à paupières, sparadrap médical pour tendre l’œil, vaseline pour le rendre brillant, sourcils décolorés et rasés, formes en papier sur les lèvres et les joues… Tout pour créer un maquillage « fait maison ».

Bien que le shooting fut un succès créatif, il était trop décalé pour Allure, qui l’a rejeté. J’ai publié la série dans un magazine éphémère sous forme de coffret. Un an plus tard, Allure est revenu sur sa décision : ils ont fait un sujet sur la chirurgie des paupières, toujours d’actualité. L’image a été utilisée et réutilisée depuis. C’est devenu l’un de mes clichés d’archives les plus emblématiques.

photo La mannequin avec du papier dans la bouche de Donna Trope

“Regardez bien le papier : c’est une liste de régimes ! À l’époque, jamais l’industrie des régimes n’avait été aussi puissante… C’était avant l’ère Ozempic — on comptait sur les régimes et la liposuccion.

La liste mentionne certains régimes célèbres ou controversés : Atkins, South Beach, Beverly Hills, Slim Fast, et bien d’autres. C’était pour un sujet sur les régimes dans Harper’s Bazaar. J’aimais la simplicité et la force de cette image. Elle a une liste de régimes, et pourtant, elle est tellement affamée, désespérée, qu’elle mange le papier sur lequel ils sont écrits… Le régime ultime : le jeûne.

photo de La mannequin avec la chevelure noire et blanche

Cette image, non publiée, a été prise pour L’Officiel. Le sujet portait sur la transformation à travers les contrastes. C’était l’une des premières photos, encore très brute. Elle n’a pas été développée, pensée jusqu’au bout… Elle est juste ce qu’elle est.

Donna Trope Polaroids, du 6 juin au 24 septembre 2025, à la galerie Carole Lambert, 81 Rue du Temple 75003 Paris.

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